Au début il y a le concept IKEA. Non, pas le « design démocratique », ni le kit en cartons plats, l’autre concept. Celui du magasin-showrom-entrepôt-restaurant. Depuis toujours l’enseigne suédoise fidélise et accroit sa présence, dans le monde entier, via ses magasins. Et à l’heure d’Internet, ne pratique la VPC qu’avec parcimonie et sans faire d’effort sur le coût des livraisons.
Le magasin IKEA est un temple et le fidèle doit s’y rendre. Il s’y rend avec plaisir habituellement, s’en fait même une fête, l’occasion d’une sortie familiale. Et rarement gratuite. On ne sort pas du magasin IKEA les mains vides. C’est inconcevable. Mais avec la joie, presque la fierté, d’avoir trouvé le « truc » nouveau, l’objet que l’on cherchait, le meuble indispensable. (Les voitures sont souvent trop petites pour les fidèles IKEA).
Quel rapport avec les bibliothèques ? Aucun, souvent. Et c’est justement le souci. Pour caricaturer on dirait que le magasin IKEA est une non-architecture pleine de vie, la bibliothèque souvent une sur-architecture pleine de vide. Car ce n’est pas le contenu qui fait le plein, c’est l’organisation du contenu qui rempli le vide.
Un magasin IKEA n’est pas un magasin de meuble ou de décoration, c’est un parcours initiatique qui doit transformer le visiteur en fidèle. Et procurer au fidèle une expérience renouvelée, à la fois familière et surprenante. Rien de moins.
En quelques mots, déroulons ce parcours : On entre au premier niveau, qui n’est pas forcément le rez-de-chaussée : immédiatement après l’entrée, le Smaland, l’espace des enfants avec animateurs qualifiés, gratuit, sécurisé. On monte tout de suite au niveau haut. C’est là le coeur du magasin : un immense plateau mais qui n’apparait jamais dans sa totalité puisque divisé en autant d’univers correspondant aux différentes pièces de la maisons, ou familles de meubles. Dans chacun des univers un espace d’exposition de meubles assez traditionnel bordé par des mises en situation avec de véritables pièces totalement reconstituées et décorées. Chacune développant une ambiance différente et illustrant le potentiel créatif du mobilier. Les univers sont reliés par un chemin balisé qui serpente de façon à optimiser la zone de curiosité du visiteur tout en évitant l’ennui des allées droites. A la sortie de ce labyrinthe où l’on ne peut se perdre, le restaurant suédois, un self spacieux et lumineux et la descente vers le niveau inférieur : un immense libre service d’objets de maison, vaisselles, luminaires, tissus, etc. suivi du dépôt de meubles où le client se sert directement sur les rayonnages en fameux paquets plats. Enfin, on parvient aux caisses et derrière, pour finir, une épicerie suédoise et une cafétéria.
Pour résumer : on découvre, on touche, on note avec son petit crayon de bois offert, on s’inspire, on planifie avec les ordinateurs mis à disposition, puis on fait son choix, on se sert, on se fait plaisir. Le chariot se remplit. D’abord la découverte puis la satisfaction. Mais aussi prendre le temps de manger, boire un verre, laisser jouer les enfants. Oublier le temps.
J’essaierai de cerner dans une seconde partie, en quoi ce modèle extrêmement élaboré pourrait inspirer les bibliothèques pour les rendre aussi attractives qu’un magasin IKEA. Ce qui est toujours plus difficile lorsqu’il n’y a rien à vendre.